J’ai commencé à développer des troubles du comportement alimentaire vers l’âge de 15 ans. Cela a débuté par de l’anorexie mentale, couplée à une diet restrictive (punitive). Durant un voyage scolaire en Andalousie, j’ai entendu une copine dire « on est grosses si on a les cuisses qui se touchent ». Cette phrase pourtant anodine que l’on peut entendre fréquemment dans les cours de récréation, a eu pour moi l’effet d’un tremblement de terre intérieur. Au retour de ce voyage, j’ai passé des heures devant le miroir pour apprendre à marcher, à me positionner sans que mes cuisses ne se frôlent. Dans les jours qui ont suivi, j’ai rapidement décidé d’arrêter de manger et de marcher de longues heures (faute d’énergie pour faire du sport). En l’espace de deux semaines, je perds 7 kilos et un après-midi, je suis obligée d’appeler ma mère car je suis physiquement incapable de rentrer chez moi (je suis à 1km à pied de la maison). Après une discussion avec ma mère, je reprends une alimentation « normale ». Et très vite, je retombe, je mange peu, je fais du tri dans mon assiette, et … Je commence à compenser avec des repas improvisés dès que je suis seule (petit-déjeuner, goûter …). Je mange en grande quantité et rapidement pour ne pas être vue. Tu t’en doutes, je suis attirée par des aliments palatables (onctueux, crémeux, sucrés, gras …), tout ce qui vient réconforter mes émotions en somme, bien que je ne le conscientise pas de la sorte à cette époque.

Les semaines se suivent, se ressemblent et les conséquences physiques des TCA deviennent de plus en plus visibles année après année. Je parviens à compenser un peu en faisant beaucoup de sport, mais mon corps commence à se déformer. Qu’on soit bien d’accord, à cette époque je n’ai absolument pas conscience des TCA, je me sens mal dans ma peau, dans mon corps, mais je ne suis nullement consciente du cercle vicieux qui se met en place progressivement. J’alterne donc inconsciemment entre hyperphagie et anorexie mentale. Durant les périodes d’hyperphagie, je prenais rapidement du poids, je me cachais dans des vêtements larges et je faisais beaucoup de sport, sans réel plaisir et j’épuisais mon système nerveux. Mon langage intérieur était odieux, je me disais des choses que jamais je n’aurais osé dire à quelqu’un d’autre, même à un(e) inconnu(e). Je me trouvais détestable, nulle et plus précisément : incapable. Incapable d’être rigoureuse, incapable d’avoir de la volonté, incapable de me forger un mental … Bref, je m’auto-sabotais. En parallèle, durant les périodes de jeûne intense, je me sentais tout simplement inexistante. J’avais tout le temps froid, je perdais mes cheveux, j’étais épuisée physiquement, mentalement, parler était un réel effort musculaire, lire était devenu impossible. Le point commun de ces deux situations ? J’avais des pensées obsessionnelles, sur le corps, la nourriture, je ne pensais qu’aux calories, à mon poids …

Les années continuent, se ressemblent et mon état mental et physique s’aggrave. Mes variations de poids deviennent ingérables. J’étais devenue fermée d’esprit, contrairement à ma nature profonde, tout tournait uniquement autour de moi, mon corps et mes pensées obsessionnelles. J’étais effrayée par le regard des autres, j’évitais les miroirs, les photos … Les sorties. Je ne réalisais absolument pas l’impact de mes comportements sur ma vie professionnelle, ma vie sociale, ma vie sentimentale, ma situation financière également … Et je me suis retrouvée toute seule, pas étonnant tu me diras !

Puis vient la prise de conscience…

Isolée comme je n’ai jamais été alors que pourtant j’ai de base une personnalité très sociable, je tombe par le plus grand des hasards sur une interview de Sissy Mua et j’entends pour la première fois le mot « TCA ». Je comprends que ce que je porte sur les épaules depuis près de 8 ans a un nom. Il s’agit d’un trouble du comportement alimentaire sévère, mais la bonne nouvelle ? ça se soigne ! Je commence donc à me renseigner, à lire des livres, à faire des recherches sur internet, à consulter des professionnels de santé issus de la médecine conventionnelle, de la médecine douce et également des coachs. Petit à petit, je commence à mettre des mots sur des maux. Mais … Ce n’est pas aussi simple que je le pensais. Chaque livre, chaque rendez-vous chez un spécialiste, chaque vidéo me permettait d’en apprendre davantage sur le sujet, je me sentais reboostée, prête à en découdre. Puis … Au bout de quelques jours, l’engouement disparaissait petit à petit et mes pensées obsessionnelles reprenaient le dessus. J’avais le sentiment d’enfin commencer à remonter à la surface, de reprendre mon souffle, puis de reboire la tasse et me noyer à nouveau. Cette sensation de ne jamais pouvoir m’en sortir, de toujours revenir à la case départ, m’a même fait songer au pire.

J’ai 20 ans, en quelques semaines, je suis confrontée au divorce de mes parents, à la disparition de proches. Ces évènements de la vie que l’on peut tous être amenés à affronter, font office d’une véritable détonation intérieure. C’est alors que je décide de m’évader quelques jours, durant lesquels je passe un pacte avec moi-même : j’aime la vie, je veux vivre et tant qu’à faire vivre pleinement et intensément.

Déçue de toutes les solutions éphémères que j’avais pu essayer, j’ai donc décidé de partir à la recherche de personnes qui ont eu des TCA et qui ont su s’en sortir. Evidemment ! Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Quel meilleur moyen pour s’en sortir que d’apprendre auprès de ceux qui ont déjà connu ce que je vis depuis des années ? Pendant près de 24 mois, j’ai alors rencontré régulièrement tous types de profils ayant eu des TCA et qui ont guéri.

J’ai rencontré plus d’une cinquantaine de personnes ayant vaincu les TCA : beaucoup de femmes (généralement entre 25 et 40 ans), mais aussi des hommes, des personnes plus âgées, des célébrités comme de parfait inconnus, des profils aisés comme des plus modestes. Et oui, les TCA peuvent toucher n’importe qui !

J’ai pris note de tous leurs outils, remèdes, exercices, conseils, valeurs, qui leur ont permis de s’en sortir. Et devinez quoi ? Les méthodes leurs ayant permis de s’émanciper des TCA étaient presque toutes différentes, mais pour autant, il y avait un point qui les réunissaient tous : la volonté profonde de s’en sortir.

Nombre d’entre eux sont aujourd’hui devenu des amis et ils ont pu assister à ma métamorphose. Entre ma 23^e et 25^e année, j’ai appliqué quotidiennement chacun de ces exercices, j’ai progressivement changé ma façon de penser, j’ai modifié mon mode de vie et j’ai aussi dû couper certaines relations qui m’étaient toxiques.

Cela fait maintenant 3 ans que je suis libérée des TCA. En 3 ans, jamais je n’aurais pu imaginer transformer ma vie à ce point. Aujourd’hui j’ai 28 ans, j’ai retrouvé une vie et une alimentation saine, équilibrée et joyeuse. Loin de moi la volonté de te laisser penser que ma vie actuelle est un long fleuve tranquille, bien sûr, comme tout à chacun, elle est aussi ponctuée de peines lors de la perte d’un être cher par exemple, de moments de doutes ou parfois de remise en question, mais je n’ai plus de TCA.

Heureuse et fière d’en être sortie, il me semblait essentiel de partager mon expérience et de partager tous les outils qui m’ont été transmis pour m’en sortir, à celles et ceux qui aujourd’hui rencontrent des TCA.